Le mot est dans toutes les bouches, les expérimentations multiples et on voit fleurir autant de prototypes de classe inversée que de professeurs.
Comment en est-on arrivé là ?
Un constat.
Un simple coup d’œil à nos classes en 2016, les élèves ont changé : multi-tâches, intéressés mais pas trop, dans l’instant dans l’action et dans le changement. On a l’air malin dans nos classes, avec nos fiches qui datent de 2003, nos routines et nos polycopiés qui ne sentent plus la machine à alcool.
Il faut se rendre à l’évidence, nous aussi on est victime de l’obsolescence annoncée : on n’est pas QR flashable, on n’est pas téléchargeable…et pourtant…
C’est plus difficile de faire cours qu’avant. Et pas seulement à cause des problèmes de violence.
La dernière fois, pendant mon cours de littérature en Anglais, pendant mon magnifique powerpoint sur Jane Austen, un élève regardait Wikipedia sur sa tablette. Dois-je le blâmer ? Ben non ?
Et pourquoi je l’ai fait mon ppt sur Jane ? Parce que mes élèves me la RECLAMENT… Mais quoi donc ?
LA TRACE ECRITE ?
La trace de pas dans le sable, les hiéroglyphes, un truc qu’on essaie de déchiffrer et qui nous rattache au passé. Le texte que les parents voient dans le cahier, parce que ça les rassure. Leurs enfants auront quelque chose à apprendre quand ils auront un test.
Comme eux. Comme leurs parents avant…et leurs parents. Comme si la seule façon d’apprendre c’était celle du passé. Pour avoir des bonnes notes, pour la paix sociale, la paix des familles, la playstation au prochain 15 et l’argent de poche. Tout un modèle économique. Toute une pensée passéiste. Bonne note=bon/ne élève=bon esprit=esprit libre.
LES BONNES NOTES ?
Le fameux douze, le 13 m’indique que j’ai eu être 50% et 60% de bonnes réponses sur 100% Est-ce suffisant ? Salma Khan s’est posé la question dans son livre. Peut-on se satisfaire d'un 12? Est-ce que ça suffirait pour avoir le permis par exemple? De savoir conduire à 58%?
Beaucoup de professeurs se réclament de lui. Mais dans son livre, L'éducation réinventée, il raconte les efforts, les sacrifices, le travail, ingrat solitaire et ensuite en équipes pour faire ces fameuses vidéos qui demandent le travail dédié d’employés pour distribuer le savoir avant d'arriver à la Khan Academy qui a nécessité la levée de fonds de plusieurs millions de dollars grâce à Bill Gates.
Ca voudrait dire aussi qu’on ne saurait plus le donner ce savoir ?
On pourrait penser que les professeurs profiteraient de l'aubaine pour ne plus faire cours?
Non ; c’est ce qu’on fait de mieux. Mais on ne sait plus quel savoir enseigner. Quelles connaissances seront utiles au élèves qu'ils ne trouvent pas sur Youtube, présentées de manière attrayante.
Alors nous aussi on s'essaye à faire des vidéos et on demande aux élèves de les regarder.
Ca marche tant que vous ne leur en demandez pas trop. Ca marche pour le moyen, le faible qui vous sont reconnaissants pour le temps passé à expliquer ce qu’ils n’ont pas le temps de comprendre en classe. Ils vous remercient pour cette main tendue, cette perche alors qu’ils pataugeaient dans la piscine du pas savoir, menacés de sombrer.
LA CLASSE REMODEDELEE, version Caméléon. En Anglais.
Ca fait quatre ou cinq ans que j'y réfléchis, lis compare et regarde ce que les collègues ont entrepris. Magnifiques leurs aventures, leur investissement et leur invention pour créer de toutes pièces un univers qui n’existe pas pour que leurs élèves et leurs problèmes puissent cohabiter.
Une dévotion remarquable.
Mais en Anglais, dans les exemples que j’ai vus, ce qui me chagrine c’est que l’utilisation de la langue est réduite à peau de chagrin.
Les interactions existent mais elles sont en Français. On apprend bien qu’en écoutant et en interagissant.
Il faut que cet ingrédient fasse partie de la mission et tenir la barre, coûte que coûte.
COMMENT FAIRE ?
Mp3 espions qui enregistrent le travail de l’îlot, une évaluation au hasard. Des points qui disparaissent si l’Anglais devient optionnel.
Post it. Un moins quand on attend du Français ; des + quand on entend de l’Anglais.
Une fiche de suivi par un autre îlot d’un autre groupe sans l'annoncer.
Tenir bon. Exiger que l’Anglais soit à tous les étages.
Sinon mon cours de langues ça devient un cours d’échanges.
Ma classe caméléon a des vidéos en amont mais pas seulement. Des textes, des tutos sur des chapitres, des images mystères, des articles et l'utilisation d'une plateforme gratuite qui me convient bien http://edu.challengeu.com/#!u/@silverteacher/c Les élèves peuvent poster textes, commentaires, mp3, vidéos…
Mes tables n’ont jamais la même place, les cartes et les rôles varient, pas un modèle mais une variation.
Les élèves progressent, râlent, parlent anglais, écrivent, lisent, interagissent et produisent. Ils sont multiples, comme les intelligences, une seule étiquette ne suffit pas. Une seule couleur non plus.
Il leur faut de la souplesse, mais à moi aussi.
Je deviens prof caméléon, je change de couleur selon les besoins, sans prévenir, ça surprend.