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Photo du rédacteurAmélie Silvert

La phobie des notes, c'est grave Docteur?

Changer la donne et changer les notes? Je suis note phobique.

Si vous pensez que les notes sont sacrées, vous n’allez pas aimer ce qui suit.

Si vous pensez gommettes, couleurs et autres sottises pédagogisantes ce n’est pas vraiment ça non plus.

Si vous vous dites, encore une qui ne veut pas travailler…ce n’est pas encore ça.

Expérience personnelle :

Dans les classes de terminale spécialité, j’ai un vrai problème quand il s’agit de donner des notes aux élèves.

La classe de terminale L spécialité, la Rolls Royce du lycéen en anglais. Dans la pratique, plutôt une Twingo. Ou une 2CV. Elle a du mal à monter la côte. Elle est poussive, cale souvent et passe souvent à la révision, bref reste à la maison.

Comment? Du mal à noter? C’est un peu notre travail à la base, non?

Comment sait-on qu’on est phobique des notes ? On traîne pour rendre les copies, même quand elles sont corrigées. On ne veut pas avoir de conversation sur la validité de la note et sa pérennité. On ne pense pas que les grilles d’évaluation du bac soient adaptées pour des élèves qui viennent de commencer leur année. On a de nombreux élèves absents quand on parle évaluation. On voit combien de questions sont posées alors que les consignes ne sont pas difficiles, ont été partagées et ont été discutées en classe. On ne sait pas comment expliquer que le fait de ne pas savoir donner son nom en anglais augure mal de la gestion de la fameuse problématique dans le long terme.

Alors si on faisait d’une des notes que l’on attribue une note souple, flottante ou modifiable ?

Je m’explique, en terminale spécialité, les élèves ont des expériences diverses en anglais. Parcours chaotique, matière choisie par défaut, difficultés et indifférence font que la cohorte d’élèves qui fréquentent nos classes varie à chaque cours. S’ajoutent des problèmes identitaires et des élèves issus de classe européennes ou non qui creusent les différences. Clans et cliques se forment rendant parfois l’ambiance de classe lourde de sous et de mal entendus. D’autant que nos lycées confondent les cours d’anglais traditionnels et ceux de spécialité. Et que leur niveau (B1 à B2 aura bien du mal à tendre à C2) ne fera pas des bonds. Ils sont déjà évalués en anglais donc la notation en spécialité est presque redondante et inutile à mon sens. Les bons élèves sont stigmatisés, les plus en difficulté, désespérés.

Alors, les non rendus, les non notés foisonnent. On se retrouve avec une moyenne faite à partir d’une note et on sort notre arme ultime, la fameuse note de participation. Catastrophe annoncée, basée sur notre ressenti, on est presque sûr qu’elle sera mauvaise ou médiocre ce qui renforcera les élèves dans la notion que de travailler, faire des efforts, ne sert à rien. Il vaut mieux au pire être noté absent, et ne pas avoir de notes. Et la spirale de l’échec, du ressentiment qui crée de la tension dans la classe et de la contestation se met en place et s’enroule autour de l’élève pour l’étouffer.

Pas d’évaluation pas de problème?

Pas certain.

Si on dans la dynamique de l’évolution et de la progression, on aura toujours des élèves qui tireront la langue et qui ne pourront suivre la troupe. Chronique d’un échec annoncé dans les travaux de groupe qui nécessitent de l’engagement et des connaissances.

Apprendre et entrer en état de faiblesse.

Etre élève c’est forcément en état de vulnérabilité. Pour apprendre, il faut accepter de démarrer à zéro ou presque et s’adapter. Une ouverture d’esprit que tous les lycéens n’ont pas. Faire des efforts implique qu’apprendre, comprendre et retenir ne sont pas des choses innées, qui demandent réactivité, repli sur soi, répétition et application.

Alors nous, les professeurs on se bat, on essaie de tout caler dans nos cours pour cocher toutes les cases mais quand un élève vous assène « moi j’comprends pas l’anglais » on a des sueurs froides.

La mémorisation.

Sur son processus et sur les possibilités insoupçonnées du cerveau dans les apprentissages, de nombreuses pistes de réflexion dans le livre de Nicole Bouin « enseigner : apport des sciences cognitives » paru chez Canopé éditions.

Quelques petites notes en mode brouillon.

On juge avec notre posture d’adulte sur les capacités des élèves et on raisonne en minimisant les difficultés pour eux de la compréhension de la problématique qui sont pour Nicole Bouin des exercices sophistiqués et difficiles. On ne leur laisse pas le temps de s’approprier les apprentissages et de mémoriser en s’arrêtant de parler par exemple.

3 points par heure et pas plus de 7 idées. Du bon sens, mais je me vois pousser les élèves à aller trop vite et à brûler des étapes.

Et du coup, on veut tout repenser…

Bon alors, et mes notes ?

Ca y est, on arrête les notes, c’est du laxisme, pas d’autorité et on s’étonne après que les professeurs se font braquer ? (discussion qui a tourné vinaigre sur les réseaux sociaux)

Choisir de donner 3 notes: une de connaissances (l’histoire des suffragettes par exemple) une de vocabulaire (lexique du féminisme et du succès) et enfin une note dite flottante.

Une note d’expression orale que l’on va pouvoir modifier quand on le veut. Imaginons une prise de parole de 5 minutes sur la problématique de la place des échecs dans le processus de réussite. On a hésité, on n’a pas été très convaincant. On a trois semaines pour modifier sa note pour le même travail. Ce qui nécessitera de ma part un travail de guidage. Dans la correction. Des dialogues réguliers avec les élèves pour les aiguiller. Voire, selon les élèves, les laisser choisir leur note et espérer que je la valide avec des critères objectifs.

Une grille sera donnée aux élèves pour suivre un modèle. Ensuite, charge à eux de trouver leur voie.

Des ressources ?

Un livre qui fait partie d’une série qui commence tous par le mot « hacking » Des réflexions, basées sur un travail de terrain et des propositions concrètes. Par exemple, les mini conférences en classe et à distance.

Moins de temps à noter et plus de temps pour progresser.

Je vais laisser mes super pouvoirs de prof noteur et voir ce que je vais en faire. Je perdrai sans doute de ma "superbe".Il y aura sans doute des creux et des bosses, les réactions habituelles des bons élèves qui ne voudront pas abandonner ces bons points, facteurs de paix familiale et auront du mal à ne pas se définir par leur réussite scolaire. Mettre la notion de réussite de côte et travailler sur le bien être à la place? Essentielle pour progresser et enfin profiter de sa Rolls Royce, la voiture des rois et des reines.

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